Une icône à 4478 mètres d’altitude
Le Mont Cervin, ou Matterhorn pour nos voisins alémaniques, n’est pas une montagne comme les autres. Avec sa silhouette pyramidale quasi parfaite, il s’impose dans le paysage alpin comme un symbole de la Suisse tout entière. Niché à la frontière entre le Valais et l’Italie, le Cervin dresse sa cime à 4’478 mètres au-dessus du niveau de la mer. Visible de loin, il n’est pourtant accessible qu’à ceux qui prennent le temps de l’approcher – à pied, en train, ou en téléphérique.
Figure emblématique de Zermatt, le Cervin attire non seulement les alpinistes en quête de défi, mais aussi les passionnés de montagne, les photographes et les curieux. Ce qui fascine ? Son histoire riche d’exploits, son panorama spectaculaire et les innombrables possibilités de randonnées autour de son socle. Bref, une montagne à la hauteur de sa réputation.
Une histoire d’ambition et de tragédie
Avant de devenir un lieu de pèlerinage pour les alpinistes et un aimant touristique, le Mont Cervin était considéré comme inaccessible. Il faut attendre le 14 juillet 1865 pour qu’une cordée dirigée par l’Anglais Edward Whymper réussisse la première ascension. Le triomphe, malheureusement, se solde par un drame : quatre membres du groupe chutent mortellement lors de la descente. Le récit fait rapidement le tour de l’Europe et marque à jamais l’histoire de l’alpinisme.
Étrangement, c’est cette tragédie qui assoit la notoriété du Cervin. Depuis, les tentatives d’ascension se multiplient. Aujourd’hui encore, malgré les équipements modernes, la montagne continue d’exiger respect et préparation. Selon les autorités de Zermatt, près de 300 personnes ont perdu la vie sur ses flancs depuis ce jour mémorable de 1865. Une statistique qui en dit long sur la puissance du lieu.
Le Cervin à la portée des randonneurs
Bonne nouvelle : pour s’émerveiller devant la majesté du Cervin, nul besoin de grimper à mains nues sur ses parois ! La région qui l’entoure regorge de sentiers balisés, accessibles à tous les niveaux et offrant des vues imprenables. Parmi les itinéraires les plus appréciés, quelques incontournables :
- Le sentier des cinq lacs (5-Seenweg) : boucle de 9 kilomètres où l’on découvre le Stellisee, Grindjisee, Grünsee, Moosjisee et Leisee. Par temps clair, le Cervin se reflète dans certaines de ces eaux cristallines.
- La randonnée Schwarzsee – Hornli Hütte : cette montée modérée de 700 mètres de dénivelé mène au refuge au pied de l’arête est, d’où partent la majorité des ascensions. Bonus : vous marchez littéralement sur les traces des pionniers.
- Le Gornergrat : accessible en train à crémaillère depuis Zermatt, il offre l’un des plus beaux panoramas sur le Cervin. Les plus motivés peuvent redescendre à pied jusqu’à Riffelalp ou Zermatt.
Chaque sentier propose une expérience différente. Parfois bucolique, parfois exigeante, mais toujours encadrée par un même décor majestueux : les montagnes valaisannes dans toute leur splendeur.
Zermatt, carrefour entre tradition alpine et durabilité
Impossible de parler du Cervin sans évoquer Zermatt. À la fois station touristique, village alpin et laboratoire du tourisme durable, Zermatt ne laisse pas indifférent. Ici, aucune voiture thermique ne circule : le village est complètement piéton. Les déplacements se font à pied, en vélo électrique ou à bord de petites navettes silencieuses. Un choix écologique assumé depuis les années 1960, bien avant que le développement durable ne devienne un mot-clé marketing.
Cela ne signifie pas que Zermatt est figée dans la tradition. L’offre touristique est large, du luxueux hôtel au refuge spartiate, et la gastronomie suit le mouvement. Restaurants étoilés, fondues traditionnelles ou plats vegan revisités : il y en a pour tous les goûts.
Quand partir admirer le Cervin ?
Tout dépend de ce que vous cherchez. L’été, de juin à septembre, reste la saison idéale pour les randonnées. Les sentiers sont dégagés, la météo plus clémente (quoiqu’instable parfois), et les panoramas verts ponctués de neiges éternelles sont au rendez-vous.
L’hiver, le Cervin devient le décor d’un domaine skiable réputé. Relier Zermatt à Cervinia en Italie sur ses skis est une expérience unique. Mais même sans chausser les planches, l’hiver offre des points de vue saisissants, notamment depuis les terrasses d’altitude ou les chemins de raquettes.
Le printemps et l’automne, quant à eux, jouent la carte de la tranquillité. Moins fréquentées, ces saisons permettent des escapades plus calmes, à condition de consulter les conditions météorologiques et l’état des sentiers.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Quelques données donnent une idée précise de l’ampleur touristique du Cervin et de Zermatt :
- Près de 2 millions de nuitées enregistrées à Zermatt chaque année.
- Plus de 400 kilomètres de sentiers de randonnée autour du massif.
- 47 sommets de plus de 4000 m visibles depuis la région – un record suisse.
- Un domaine skiable étendu sur 360 km de pistes, partagées avec l’Italie.
On comprend mieux pourquoi le Cervin fait figure de poids lourd du tourisme suisse. Mais au-delà des chiffres, ce sont les émotions qu’il suscite qui marquent réellement.
Les coulisses de l’entretien du mythe
Derrière le calme apparent du paysage, une organisation bien huilée veille à maintenir l’attractivité du Cervin. Depuis le balisage des chemins de randonnée jusqu’au ramassage des déchets en altitude, en passant par des campagnes de sensibilisation sur les risques de haute montagne, tout est organisé pour concilier fréquentation et préservation.
La Hörnlihütte, par exemple, gérée par la commune de Zermatt, a été entièrement rénovée en 2015 à l’occasion du 150ᵉ anniversaire de la première ascension. Aujourd’hui, elle offre un hébergement pour les alpinistes du monde entier, tout en mettant un point d’honneur à limiter son impact environnemental.
De plus, les guides de montagne locaux – souvent issus de familles implantées depuis plusieurs générations – perpétuent un savoir-faire précieux, basé sur la connaissance des conditions météo, des itinéraires et des gestes de sécurité. Avec eux, le Cervin reste accessible, sans être banalisé.
Visiter autrement : culture et découverte au pied du géant
Pour ceux qui préfèrent garder les pieds bien sur terre, le Cervin se découvre aussi par d’autres biais. Le musée du Cervin, à Zermatt, retrace de façon interactive l’histoire de la région, de la géologie aux ascensions mythiques. On y découvre les visages de ceux qui ont tenté l’aventure, les équipements rudimentaires de l’époque et les grands changements induits par le tourisme.
Autre option : la visite de Findeln, un hameau d’alpages situé au-dessus de Zermatt, accessible à pied ou en funiculaire. Ici, les raccards en bois et les pâturages cohabitent avec des tables gourmandes à la vue imprenable. Un vrai condensé de Suisse alpine, à deux pas des sentiers.
Un sommet qui continue d’inspirer
Le Cervin ne laisse personne indifférent. D’un clic d’appareil photo aux foulées d’un randonneur, chaque visiteur trouve une façon personnelle d’entrer en dialogue avec ce sommet. Certains y trouvent la tranquillité d’un panorama rare, d’autres la trace d’une histoire forte, et quelques-uns, plus téméraires, y cherchent leur propre limite.
Pour la Suisse, il demeure un ambassadeur naturel, une carte postale vivante, qui rappelle ce lien unique entre tradition, nature et innovation. Comme le dit souvent un guide de la région : « Le Cervin, on ne le conquiert pas. On s’en approche simplement avec humilité. »