À Genève, la musique ne se vit pas seulement dans les salles de concerts, les festivals ou les studios d’enregistrement. Elle s’incarne aussi dans les boutiques spécialisées, où musiciens amateurs et professionnels trouvent leurs instruments, mais aussi des conseils avisés. Que vous soyez guitariste en herbe, flûtiste confirmé ou DJ passionné, la Cité de Calvin regorge d’adresses où trouver son bonheur. Encore faut-il savoir où chercher.
Une offre riche, mais éclatée
La première chose qui frappe lorsque l’on s’intéresse aux magasins de musique genevois, c’est la diversité. Contrairement à d’autres grandes villes où certains géants accaparent le marché, le tissu local est éclaté entre enseignes historiques, boutiques de niche et ateliers spécialisés. Cette fragmentation, si elle peut sembler déroutante, fait en réalité la richesse de l’écosystème musical genevois.
En parcourant les rues de Plainpalais, des Eaux-Vives ou de Carouge, on découvre un éventail d’enseignes tenues par des passionnés, souvent musiciens eux-mêmes, qui défendent une certaine idée du service : personnalisé, humain, technique. Un luxe dans un monde de plus en plus dominé par la commande en ligne.
La Canarde, institution pour les cuivres et les bois
Impossible de parler de musique à Genève sans mentionner La Canarde, une référence auprès des musiciens d’orchestres, des conservatoires et des fanfares. Spécialisée dans les instruments à vent, cette boutique de la rue de Carouge est tenue depuis 1981 par Pierre-Alain Racine, luthier et facteur d’instruments.
Ici, pas de vitrine tape-à-l’œil ni de publicité agressive : ce sont les recommandations du bouche-à-oreille et la qualité du service qui font la renommée du lieu. Réparations précises, conseils sur le choix d’une trompette Bach ou d’un hautbois Rigoutat, essais sur place dans une acoustique adaptée… tout est organisé pour choyer les souffleurs.
Musikia : pour les passionnés de guitares et de percussions
Autre adresse emblématique : Musikia, à quelques pas de la Servette. Ce magasin multimarques est le paradis des guitaristes, bassistes et batteurs en tout genre. On y trouve des Fender, Gibson, Ibanez, mais aussi des modèles plus confidentiels comme Mayones ou Furch.
L’atmosphère y est détendue mais professionnelle. Les vendeurs sont eux-mêmes des musiciens actifs sur la scène locale et peuvent orienter vers un modèle adapté au style recherché, au budget et à l’usage (studio, live, école, etc.). Test des guitares en cabine insonorisée, offres de financement et service de réglage sur place : tout est pensé pour l’utilisateur.
Un client régulier témoigne : « J’ai essayé deux Telecaster avant de craquer pour ma G&L. Le vendeur m’a posé des questions sur mon ampli, mes réglages, ma musique. Ce genre d’écoute, on ne le trouve pas sur Amazon. »
Une scène DJ et MAO en plein essor
Si les instruments traditionnels gardent la cote, Genève n’échappe pas à la montée en puissance des musiques électroniques. La MAO (musique assistée par ordinateur) et le DJing y gagnent des adeptes, portés notamment par la présence de clubs réputés comme le Zoo ou La Gravière.
Deux magasins se disputent ce créneau : Beatspace et Vinyl Zone. Le premier, situé près de la Jonction, propose une sélection soignée de contrôleurs MIDI, platines, logiciels de production et accessoires pour DJ. Le second, comme son nom l’indique, mise également sur le support vinyle, avec un coin revente d’occasions qui fleure bon les années 1990.
Chez Beatspace, on ne se contente pas de vendre une MPC Live II ou un contrôleur Traktor : on prend le temps d’expliquer les configurations compatibles, on propose des formations, et on oriente vers des collectifs ou événements locaux.
Les pianos en majesté chez Musikhaus Vernet
Pour les amoureux du clavier, cap sur Musikhaus Vernet, un magasin fondé en 1920 et toujours tenu par la famille du même nom. Situé à Champel, il est spécialisé dans les pianos acoustiques et numériques haut de gamme. Yamaha, Kawai, Bösendorfer… Les plus belles mécaniques y déploient leur charme derrière des vitrines feutrées.
Mais Vernet, c’est aussi un lieu d’expertise. Accordeurs diplômés, vente et location de pianos pour les écoles ou pour un concert ponctuel, accompagnement à l’achat d’instruments d’occasion : tout est fait pour inspirer confiance, avec un suivi rigoureux dans le temps.
L’enseigne dispose également d’un service de transport et d’installation, un détail qui peut faire toute la différence avec les services en ligne, surtout si votre appartement est au quatrième étage sans ascenseur.
Les jeunes pousses numériques font leur entrée
Face à cette offre traditionnelle mais qualitative, quelques nouveaux venus tentent l’aventure du numérique hybridé au conseil. C’est le cas de MyMusic, une start-up genevoise qui propose depuis 2022 un service en ligne de location d’instruments à la carte (violons, flûtes, guitares électriques…), livré à domicile, avec option d’achat au bout de six mois.
La force de MyMusic ? Des fiches produit didactiques, des vidéos explicatives, et une hotline de conseillers musiciens pour guider les novices. L’entreprise a su tirer parti de la pandémie pour inventer un modèle souple, adapté aux débutants qui hésitent à investir d’emblée dans un instrument neuf.
Une initiative saluée à la fois par les écoles de musique et les professeurs indépendants, qui y voient une solution sans risque pour favoriser la mise en pratique rapide de leurs élèves.
À chaque profil son adresse
Voici, en synthèse, quelques suggestions selon vos besoins :
- Débutants : MyMusic pour une location en douceur ou Musikia pour les indispensables avec conseils.
- Professionnels : La Canarde pour des instruments à vent haut de gamme, Vernet pour les pianos acoustiques.
- Producteurs électro : Beatspace, pour son expertise MAO et ses solutions sur mesure.
- Collectionneurs et amateurs de vintage : Vinyl Zone pour les disques rares et le matériel DJ old school.
Le plus précieux : le conseil humain
Au-delà de l’instrument en lui-même, tous les professionnels interrogés s’accordent sur un point : un bon achat musical, c’est avant tout un achat accompagné. « On ne vend pas des guitares, on vend une envie de jouer », souligne Pierre, de Musikia. C’est là toute la différence entre un clic sur une plateforme et une heure passée à essayer plusieurs modèles, avec un expert qui ajuste la tension des cordes et vous explique comment changer un tirant.
À Genève, le tissu d’experts passionnés est une chance. Pour peu que l’on prenne le temps de les écouter, ils vous guideront bien au-delà de la simple transaction commerciale. Dans une ville où cohabitent amateurs éclairés, étudiants du Conservatoire, groupes de jazz, orchestres classiques ou collectifs électro, cet accompagnement est la clef d’un paysage musical vivant et accessible.
Alors, la prochaine fois que vous projetez d’acheter une guitare, une clarinette ou une interface audio, posez-vous la question : et si je débutais… par une conversation ?