Agence de mannequin en Suisse : décryptage d’un secteur en pleine mutation

Agence de mannequin en Suisse : décryptage d’un secteur en pleine mutation

Une industrie qui évolue sous nos yeux

Élégance, projecteurs et glamour ? Pas uniquement. Le secteur du mannequinat en Suisse est aujourd’hui un terrain de jeu plus complexe, marqué par des transitions profondes. Si les podiums helvétiques conservent une certaine discrétion face aux grandes capitales de la mode, ce qui se joue en coulisses révèle un changement structurel – lent mais significatif – d’un modèle traditionnel vers une industrie plus inclusive, connectée et hybridée.

Depuis Zurich jusqu’à Lausanne, en passant par Genève, les agences suisses réinventent leurs pratiques : entre influence digitale, diversité des profils et nouvelles formes de collaboration avec les marques. Zoom sur un secteur qui, doucement mais sûrement, redessine ses contours.

Le rôle traditionnel des agences en mutation

Historiquement, une agence de mannequins représentait l’interface classique entre le mannequin et l’annonceur. Son mandat ? Repérer les talents, gérer les portefeuilles, organiser les castings et négocier les contrats. Cet écosystème fonctionnait sur une structure pyramidale, où les agences avaient le monopole de l’accès aux grandes campagnes et défilés.

Mais à l’heure des réseaux sociaux, des plateformes de booking en ligne, et d’une conscience accrue des droits des talents, cette centralisation est mise à mal. Désormais, de nombreux modèles suisses lancent leur carrière via Instagram ou TikTok, court-circuitant les canaux établis. Un phénomène que confirme Margaux Dietschi, fondatrice de l’agence Mid Models à Lausanne :

« Le digital a eu un impact énorme : aujourd’hui, un talent peut avoir 50 000 abonnés sur Instagram et travailler avec des marques sans jamais passer par une agence traditionnelle. Cela nous oblige à redéfinir notre valeur ajoutée. »

Les nouvelles attentes des modèles

La génération actuelle de mannequins – souvent très jeunes – est plus exigeante. Elle ne veut plus seulement « défiler » ou poser. Beaucoup cherchent à construire une carrière hybride, mêlant mannequinnat, création de contenu, activisme ou encore entrepreneuriat. Le modèle n’est plus cantonné à être une « image » mais devient un acteur de son image, au sens propre comme au figuré.

Dans ce contexte, les agences suisses évoluent pour proposer un accompagnement plus global : gestion de l’image en ligne, stratégie de marque personnelle, suivi psychologique ou encore conseils juridiques. Cela marque une professionnalisation nouvelle dans un secteur parfois réputé pour son manque de transparence.

À Genève, l’agence Square Model Management a par exemple mis en place des sessions régulières de coaching personnalisées, en collaboration avec des psychologues et des spécialistes en médias sociaux. Une approche plus humaine et moins centrée sur les seuls critères esthétiques.

Diversité et inclusion : un défi pour le marché suisse

La diversité est souvent citée comme une priorité dans les discours des agences, mais la réalité du terrain est plus nuancée. Si certains marchés, comme Londres ou Berlin, ont accéléré leur transition vers des castings plus inclusifs (âge, morphologies, genres, origines…), la Suisse reste prudente.

Cela ne veut pas dire que rien ne bouge. Au contraire. Certaines agences de niche se sont lancées spécifiquement pour combler ce vide. À Zurich, l’agence Unique Visions se distingue par son choix de travailler exclusivement avec des profils hors normes : seniors, personnes en situation de handicap, modèles non-binaires… Une démarche qui, selon sa fondatrice Elisa Hartmann, est moins militante que pragmatique :

« Les marques nous contactent de plus en plus avec des briefs très précis : elles veulent représenter leur clientèle réelle. Ce changement vient souvent d’elles-mêmes, pas uniquement des acteurs du mannequinat. »

Quand l’influence rencontre le mannequinat

Le rôle croissant des influenceurs a bouleversé les règles du jeu. Il n’est plus rare de croiser, lors des castings ou des tournages de campagnes, des profils hybrides combinant mannequinat classique et statut d’influenceur. Pour les marques suisses, qui recherchent un engagement fort et une affinité avec le public local, ces profils sont devenus particulièrement attractifs.

À Lausanne, le duo formé par Élise Muller (mannequin) et David Rios (styliste-influenceur) incarne cette nouvelle génération de talents multidimensionnels. En signant ensemble des collaborations avec des enseignes romandes comme Bongénie Grieder ou Freitag, ils illustrent cette fusion désormais courante entre capital esthétique et capital narratif.

Les agences, elles, s’adaptent. Certaines disposent déjà de départements dédiés aux profils influents, capables de gérer des contrats de sponsoring, des placements de produits ou des campagnes de communication ciblées sur TikTok ou Instagram.

La Suisse, un terrain discret mais stratégique

Comparée à Paris ou Milan, la Suisse n’est pas perçue comme une « capitale de la mode ». Pourtant, le pays dispose de réels atouts :

  • Un tissu économique dense, avec de nombreuses marques de luxe implantées entre Genève et Zurich.
  • Une stabilité politique et logistique, qui en fait un terrain idéal pour les shootings internationaux.
  • Une dimension multiculturelle favorable aux profils multilingues et internationaux.

C’est ce que souligne Mehdi Kenzari, agent international basé à Genève :

« Pour certaines marques asiatiques ou nord-américaines, la Suisse représente un territoire neutre, à la fois européen dans son positionnement et mondial dans ses références culturelles. »

Vers un modèle plus équitable ?

Il serait naïf de penser que toutes les évolutions sont idylliques. Le secteur reste confronté à de nombreux défis : précarité de certains contrats, concurrence parfois déloyale, standards de beauté encore très normés. La volonté générale de « réformer » coexiste avec des pratiques plus anciennes, parfois incompatibles avec les valeurs affichées.

Heureusement, plusieurs associations helvétiques, comme Model Alliance Suisse, militent activement pour une meilleure reconnaissance des droits des mannequins : contrats clairs, respect du temps de travail, suivi de santé, lutte contre les abus psychologiques. Des préoccupations qui résonnent de manière croissante auprès des agences les plus sérieuses, soucieuses de professionnaliser leur approche.

Et demain ? Les pistes à suivre

Les prochaines années s’annoncent charnières pour l’industrie du mannequinat suisse. Voici quelques tendances à surveiller de près :

  • Technologies immersives : des agences commencent à tester des castings via réalité virtuelle ou avatars numériques, notamment dans le cadre de campagnes métavers.
  • Durabilité : des mannequins s’engagent dans des démarches éco-responsables, avec des campagnes centrées sur la slow fashion et une réduction des déplacements inutiles.
  • Régionalisme : les marques romandes souhaitent de plus en plus collaborer avec des profils locaux, représentatifs de leur communauté, loin de l’image monocorde des agents parisiens.

Plus que jamais, le mannequinat suisse semble en quête d’un équilibre entre beauté, éthique et ancrage local. À mesure que les lignes bougent, une chose est certaine : cette mutation ne fait que commencer, et les talents qui en profiteront seront ceux qui sauront conjuguer authenticité, professionnalisme… et un zeste d’audace.